Essai de reconstitution de la Grosse Tour de Bourges

En 1180, Philippe Auguste fait construire à Bourges une nouvelle enceinte fortifiée pour défendre une zone de 114 hectares, ainsi qu’une forteresse au point le plus vulnérable, elle-même dominée par un énorme donjon de plus de 30 mètres de haut et 20 mètres de diamètre, la “Grosse Tour” de Bourges.

Dessin de la Grosse Tour de Bourges, vue depuis la cité, en haut de la rue moyenne.
La grosse tour fut démolie par ordre du roi Louis XIV au environs en 1651.
On peut voir aujourd’hui son empreinte, Place du 8 mai 1945, matérialisée au sol par un pavement circulaire, ainsi que ses fondations, au fond du parking souterrain de l’hôtel de ville.
Les sources documentaires
Pour ce travail de modélisation, voici les documents que nous avons exploités.
Comme beaucoup de monuments Berruyers, les documents d’époque sont rares et c’est le cas en particulier pour la Grosse tour. De temps en temps de nouveaux documents et dessins sont découverts dans les archives, mais le fait est rare. Sans doute qu’il nous faudra alors revoir notre travail !
“CHAPITRE VIII – De la grosse tour de Bourges”
Extrait du manuscrit de 1542 de Nicolas de Nicolay “Description générale du païs et duché de Berry et diocèse de Bourges”. Publié en 1865 par M Victor Advielle. On découvre quelques détails à prendre toutefois avec prudence :
- La grosse tour aurait été reconstruite sur les fondation d’une tour gauloise (!?), et dans un premier temps sans fossé et sans muraille.
- La forteresse est de forme carrée avec 4 tours rondes aux angles. Cette description ne correspond pas aux autres plans et dessins de la forteresse qui est le plus souvent avec 5 tours.
Extrait de “Relation de l’ordre de la triomphante…” (P 134-139)
Ce livre comporte de nombreuses sections concernant toutes la région du Berry, dont une description tardive de la Tour, datée 1836 et donc très postérieure à sa destruction en 1651.
On y trouve aussi un inventaire détaillé du trésor de la Sainte Chapelle de Bourges.
De la construction
“La grosse tour fut renversée par mine le 7 décembre 1660; elle blessa en tombant soixante personnes et en tua quinze. Cette tour avait été construite du temps de Pépin. C’était une forteresse qui, avant la découverte de la poudre et l’usage de l’artillerie , devait être pour ainsi dire imprenable. Elle était construite de pierres dures, faites à pointes de diamant. Elle pouvait garantir la ville de toute surprise. On y montait par cent soixante-quatre marches épaisses de six pouces. Elle était fondée sur trois arcades, et avait trois voûtes l’une sur l’autre.
La grosse tour était donc une des choses remarquables de cette ville. Les opinions sont différentes pour savoir par qui cette masse de pierre a été bâtie.
Ces détails sur la grosse tour et ses dimensions sont recueillis de différentes notes du feu sieur Philippe Dardeau , un des bons architectes que nous ayons eus dans ce pays, sur la fin du 18e siècle; il passait pour amateur des choses anciennes, et sur- tout de celles relatives à son art.
Ces documents d’architecture sont utiles et désirés dans tous les siècles ; ils rappellent les grandes connaissances de nos ancêtres dans cet art, et augmentent ou fortifient celles de nos descendants.”
DE LA destruction de la tour
“Le roi Louis XIV étant arrivé à Bourges, et reconnaissant que la grosse tour était plus désavantageuse que profitable, en ordonna la démolition, qui fut d’abord commencée par l’ordre des échevins de la ville, par sapement, et ensuite par un moyen plus prompt, par mines, ce qui fut fait par le nommé Daniel Légat.
Il fit d’abord trois mines dans trois piliers du fond de la tour, deux desquels il chargea de douze quintaux de poudre; il laissa la troisième , croyant que les deux suffiraient. Il mit le feu à ces mines le 12 novembre 1651, ce qui ne produisit pas l’effet attendu; il recommença son travail dans un étage plus haut que le premier, entre les deux fentes que l’effet de la première mine avait faites, et le composa de deux mines et d’un fourneau, lesquels il chargea de huit quintaux de fort bonne poudre; et, pour s’assurer davantage de la chute, il chargea la troisième mine restée du premier travail, et qui était demeurée entière, de six quintaux de poudre, et tint les affaires en état de mettre le feu à jour nommé.
Le samedi 7 décembre 1651 fut pris pour faire jouer les mines ; la ville en fut avertie à son de trompe. Quoique le feu fût mis à trois heures du soir,
elles ne partirent qu’à cinq, c’est-à-dire une heure plus tard qu’on ne l’avait prévu ; elles firent leur effet et jetèrent des pierres de prodigieuse grosseur dans le voisinage; la partagèrent par moitié, dont une tomba ; l’autre resta sur pied bien ébranlée, et fut après successivement détruite par ceux qui ont voulu profiter des matériaux.”
La Grosse Tour comme prison
“Cette grosse tour était située où sont actuellement les bâtiments de l’ancien petit séminaire, servant de magasins, et ceux de l’archevêché. Elle servait de prison d’état.
Robert de Béthune et Robert de Bourbon y furent renfermés sous Philippe-le-Bel, pour cause de désobéissance et de félonie ; le cardinal La Balue, sous Louis XI, pour avoir eu correspondance avec les ennemis de l’état ; Louis, duc d’Orléans, qui plus tard fut le roi Louis XII, y fut détenu pendant trois ans, pour avoir été pris les armes à la main, contre Charles VIII, à la bataille de Saint-Aubin; Jean de Châlons, prince d’Orange ; Ludovic Sforce, duc de Milan, en 1500, et son frère le cardinal Ascagne; le chancelier Poyet, l’an 1542, sous le règne de François I;Guy de Dampierre, comte de Flandres, eu 1305, et y resta jusqu’en 1312.
La cage de cette tour dans laquelle fut renfermé pendant 12 ans le cardinal La Balue fut la récompense de son invention ; car ce fut lui qui inventa ces
cages.”
Le Dessin de Joris HoefNagel (1542-1601)
Ce dessin est sûrement la représentation la plus connue et la plus réaliste de la grosse tour, bien que la grosse tour semble disproportionnée par rapport à la forteresse. Sur ce dessin, la porte est murée. A droite de la tour, la succession des tours et des bâtiments ainsi que les détails laissent penser que le dessin est fidèle à la réalité de l’époque.

La grosse tour de Bourges. Vue depuis les fossés.
Cette autre vue est intéressante, car c’est la vue depuis l’intérieur de la cité. Tous les bâtiments sont là, mais très stylisés. On a exploité ce dessin surtout pour vérifier le positionnement relatif des différentes tours et portes.

Grosse tour de Bourges. Vue du côté de la cité.
Autre vue de la forteresse depuis l’intérieur de la cité

vu de l’intérieur de la cité
La grosse tour en images de synthèse

La grosse tour de Bourges et la forteresse resituées dans le Bourges actuel

La grosse tour de Bourges et la porte murée de Lyon.

Bourges 15°s. La grosse Tour et la Cathédrale au fond à droite.
Pour en savoir plus
L’encyclopedie de Bourges par R . Narboux : Le rempart Philippe Auguste
Le Blog du Berry medieval : le donjon royal dit grosse tour de bourges
Ville de Bourges – Fiche pédagogique n°6
Gallica : Description générale du païs et duché de Berry et diocèse de Bourges
Une réponse
Un moulin à bras n’a aucun rapport avec l’illustration (treuil à 2 du chantier de Guédelon), il s’agit d’un ensemble de 2 meules actionné à la force musculaire (animale ou humaine ) et utilisé pour moudre des céréales afin de produire de la farine pour la fabrication du pain en cas de siège, d’où sa présence dans la Grosse tour de Bourges comme en général dans tout ouvrage militaire de fortification.